La cause en bref

R. c. Myers

Les juges doivent s’assurer que l’incarcération de personnes en attendant leur procès est vraiment nécessaire, a jugé la Cour suprême.

Un accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie en cour. C’est pourquoi il est normalement libéré sous caution après son arrestation dans l’attente de son procès. Toutefois, dans des situations particulières, le juge peut décider de garder la personne en prison après son arrestation. On appelle cela la « détention provisoire » ou « détention avant le procès ». Il arrive qu’une personne soit détenue avant son procès car c’est le seul moyen de veiller à ce qu’elle se présente devant le tribunal, d’assurer la sécurité du public ou de protéger la confiance du public dans le système de justice. Même si une personne est reconnue coupable par la suite, la détention avant le procès est censée être une solution de dernier recours en raison de la présomption d’innocence.

Au Canada, de nombreuses personnes sont gardées en prison en attendant leur procès. Chaque jour, environ la moitié des gens incarcérés au Canada attendent leur procès et ne sont pas déclarés coupables. Il est plus difficile pour eux de se défendre quand ils sont incarcérés. Les gens détenus avant leur procès sont plus susceptibles de plaider coupable. La détention nuit également à leur bien-être physique et mental ainsi qu’à leur vie de famille et à leurs perspectives d’emploi. Le juge doit se pencher sur la situation 90 jours après que l’on eut ordonné que la personne soit détenue avant son procès.

M. Myers a été arrêté en janvier 2016 et accusé de plusieurs crimes, dont certains liés aux armes à feu. Il avait auparavant été reconnu coupable d’autres crimes et était en probation au moment de son arrestation. Il est resté en prison pour purger cette peine antérieure. Mais en octobre, il était incarcéré uniquement à cause des nouvelles accusations portées contre lui en janvier. Il a demandé sa mise en liberté sous caution la première fois en novembre 2016. Le juge saisi de sa demande ne croyait pas que les conditions proposées par l’avocat de M. Myers étaient suffisantes pour protéger le public et a dit « non ». M. Myers était censé obtenir le contrôle du bien-fondé de sa détention après 90 jours, mais il a attendu beaucoup plus longtemps. Le nouveau juge a affirmé ne pouvoir relâcher M. Myers qu’en cas de délai déraisonnable ou de changement quelconque de sa situation. M. Myers n’a opposé aucun argument au juge et il n’a donc pas été relâché. Il a cependant fait appel, reprochant au juge d’avoir mal analysé le droit. (La plupart des causes sont portées en appel devant une cour d’appel, mais cette dernière n’a pas le pouvoir de se pencher sur les décisions rendues à l’issue de l’examen de la mise en liberté sous caution. M. Myers devait donc se pourvoir en appel directement à la Cour suprême du Canada.)

Le problème, c’est que les tribunaux de partout au Canada ne s’entendaient pas sur les modalités du contrôle du bien-fondé de la détention après 90 jours. Certains ont dit qu’une personne devrait être relâchée uniquement si son procès durait trop longtemps (s’il y avait eu « délai déraisonnable »). D’autres ont mentionné que quelqu’un pouvait être relâché même en l’absence de délai déraisonnable. D’aucuns croyaient que toute personne n’ayant pas fait l’objet d’une audience sur sa mise en liberté sous caution quand elle a été arrêtée au départ n’avait pas droit à un contrôle. D’autres ont dit que toute personne devrait bénéficier d’un contrôle, peu importe le motif de son incarcération.

La Cour suprême a dit à l’unanimité que ces contrôles du bien-fondé de la détention sont automatiques. Le geôlier ou le poursuivant doit demander la tenue d’une audience 90 jours après la dernière ordonnance d’incarcération de la personne (ou de maintien de la détention). Le juge doit alors fixer le plus tôt possible une audience de contrôle. La seule question qu’il doit trancher est de savoir si le maintien de la personne en prison est nécessaire d’un point de vue juridique pour s’assurer qu’elle se présente à son procès, assurer la sécurité du public ou protéger la confiance du public dans le système de justice. Le délai n’est qu’un des éléments qu’un juge peut examiner, mais le délai n’a pas à être « déraisonnable ». Ce qui compte, c’est l’effet qu’aurait ou aura la détention sur la personne. Par exemple, le juge devrait se demander si la durée de la détention avant le procès serait supérieure à celle de la peine en cas de déclaration de culpabilité. Après avoir entendu les deux parties, le juge doit décider si la personne doit rester en prison (ou si elle peut être libérée, avec ou sans conditions).

Selon la Cour, le juge a l’obligation particulière de s’assurer que la détention est justifiée et que le procès suit son cours normal. De nombreux accusés n’ont pas d’avocat, d’où la nécessité pour les juges de faire très attention par souci d’équité. Ces derniers peuvent rendre des ordonnances pour accélérer les procès, surtout dans les cas où la personne a été détenue avant son procès.

Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.