La cause en bref

Keatley Surveying Ltd. c. Teranet Inc.

La Cour suprême a statué que l’Ontario est titulaire du droit d’auteur sur les plans d’arpentage déposés au registre foncier de la province.

Le droit d’auteur protège les œuvres originales écrites, théâtrales, musicales ou artistiques. La personne qui détient le droit d’auteur sur une œuvre a le droit exclusif de produire cette œuvre, de la copier, la publier ou l’exécuter. Le droit canadien en matière de droit d’auteur tente d’établir un équilibre entre deux objectifs; le premier vise à récompenser les personnes qui créent de nouvelles œuvres, et le deuxième vise à ce que le public ait accès aux nouvelles idées et œuvres.

La Loi sur le droit d’auteur prévoit des règles particulières concernant les cas où la Couronne peut être titulaire du droit d’auteur. (La « Couronne » est un terme juridique qui désigne essentiellement le « gouvernement »). L’article 12 de la Loi sur le droit d’auteur, qui a plus de 100 ans, indique que la Couronne détient le droit d’auteur sur ce qu’elle prépare (crée) ou publie. Il indique aussi que le gouvernement détient le droit d’auteur lorsqu’il exerce une direction ou une surveillance sur ce qu’une autre personne prépare ou publie.

L’Ontario a un système électronique d’enregistrement immobilier. Le registre immobilier est une base de données concernant toutes les propriétés dans la province. Il indique les gens qui sont propriétaires de ces propriétés ou qui ont d’autres droits à l’égard de celles-ci. La base de données contient toutes sortes de documents, notamment les plans d’arpentage. Ceux-ci présentent des renseignements concernant une propriété précise (comme sa taille et sa forme), comme une carte officielle de la propriété. Même si le registre foncier est électronique, les plans d’arpentage doivent quand même être présentés à un bureau d’enregistrement immobilier pour être numérisés.

Le système électronique d’enregistrement immobilier est exploité par une entreprise appelée Teranet, qui a participé à sa création. Teranet a payé des arpenteurs indépendants pour l’aider à mettre sur pied la base de données et pour fournir des plans d’arpentage. Un règlement prévoit que tous les plans ajoutés au registre immobilier deviennent la propriété de la Couronne (c’est-à-dire du gouvernement de l’Ontario). Les arpenteurs présentent les plans d’arpentage à un bureau d’enregistrement immobilier pour que ceux-ci soient versés au registre. À ce moment, Teranet rend des copies de ces plans accessibles par voie électronique. Teranet fait tout cela pour le compte de l’Ontario.

Keatley Surveying, une entreprise d’arpentage, a intenté un recours collectif en 2007. Un recours collectif est un type particulier de poursuite où un groupe de personnes ayant le même genre de problème se réunit pour poursuivre. Le recours collectif était intenté au nom des arpenteurs qui ont fourni des plans d’arpentage au registre immobilier. Selon les membres du recours collectif, les arpenteurs (et non la Couronne) détenaient le droit d’auteur sur les plans d’arpentage qu’ils avaient créés. À leur avis, Teranet violait donc le droit d’auteur des arpenteurs en entreposant et en copiant les plans d’arpentage. Ils estimaient que la Couronne devrait détenir le droit d’auteur seulement sur les œuvres qu’elle a elle-même créées (ou lorsqu’elle a ordonné la création à quelqu’un d’autre ou surveillé une telle création). Teranet soutient que la Couronne devrait détenir le droit d’auteur sur tout ce qu’elle publie. En 2016, un juge a déclaré que l’Ontario était titulaire du droit d’auteur et a décidé que le recours collectif de Keatley Surveying ne pouvait être autorisé. La Cour d’appel était également de cet avis.

Tous les juges de la Cour suprême ont reconnu que l’Ontario était titulaire du droit d’auteur sur les plans d’arpentage.

Les juges majoritaires ont affirmé que les plans d’arpentage faisaient partie d’une catégorie restreinte de documents qui sont visés par le droit d’auteur de la Couronne. Un tel droit protège l’intérêt public puisqu’il confère à la Couronne un droit d’auteur sur des choses à l’égard desquelles elle a exercé un grand contrôle ou une grande surveillance quant à leur création ou leur publication. Cette affaire portait sur la publication, et non la création, car la Couronne n’a pas elle-même créé les plans d’arpentage. Plusieurs lois énoncent de quelle façon le système d’enregistrement immobilier fonctionne, les exigences relatives aux plans d’arpentage et la façon dont l’Ontario peut utiliser les plans. Le gouvernement a exercé une direction et une surveillance sur chaque aspect de la publication des plans d’arpentage. Les lois accordaient aussi à l’Ontario le droit exclusif d’y apporter des modifications, et de les mettre à la disposition du public. Un tel contrôle signifie que la Couronne détenait le droit d’auteur, et qu’elle pouvait donc permettre à Teranet de faire des copies des plans d’arpentage pour le compte du gouvernement. L’approche du Canada en matière de droit d’auteur a beaucoup changé au cours du dernier siècle, et les juges majoritaires ont tenu compte de ces changements lorsqu’ils ont interprété l’art. 12.

L’article 12 de la Loi sur le droit d’auteur, qui porte sur le droit d’auteur de la Couronne, a plus de 100 ans. C’est la première fois que la Cour suprême se penche sur cet article.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.