La cause en bref
R. c. Barton
- La décision
- Date : le 24 mai 2019
- Référence neutre : 2019 CSC 33
- Décompte de la décision :
- Majorité : le juge Michael Moldaver a accueilli l’appel en partie (avec l’accord des juges Côté, Brown et Rowe)
- Dissidence partielle : les juges Rosalie Silberman Abella et Andromache Karakatsanis ont conclu qu’il doit y avoir un nouveau procès pour meurtre et homicide involontaire coupable parce que les erreurs du juge du procès avaient permis que tout le témoignage de M. Barton soit porté à la connaissance du jury, ce qui a influé sur toutes ses conclusions (notamment quant à l’accusation de meurtre au premier degré); ils auraient rejeté l’appel (avec l’accord du juge en chef Wagner)
- En appel de la Cour d’appel de l’Alberta
- Renseignement sur le dossier (37769)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
- Jugement (Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, non disponible en ligne)
- Appel (Cour d’appel de l’Alberta)
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NOTE : Le présent document renferme des détails qui pourraient choquer certains lecteurs.
Un homme déclaré non coupable du meurtre d’une femme autochtone doit subir un nouveau procès pour homicide involontaire coupable parce que les règles relatives au comportement sexuel antérieur n'ont pas été respectées lors du procès, a jugé la Cour suprême.
En 2011, Mme Gladue est morte au bout de son sang des suites d’une blessure au vagin. M. Barton a été accusé de meurtre au premier degré, la plus grave des accusations de meurtre. La raison pour laquelle l’acte commis dans cette affaire a été jugée si grave est que la Couronne (la poursuite) a dit que M. Barton avait tué Mme Gladue en l’agressant sexuellement avec une arme. La Couronne a affirmé qu’il l’avait coupée avec un objet tranchant alors qu’elle était très ivre, et qu’il voulait la blesser gravement ou la tuer.
Selon la Couronne, même si M. Barton n’était pas coupable de meurtre, il avait commis un « homicide involontaire coupable découlant d’un acte illégal ». C’est ce qui arrive lorsqu’une personne cause la mort d’une autre personne en commettant un acte dangereux et illégal dont elle aurait dû savoir qu’il pourrait causer de graves blessures. L’infraction d’homicide coupable découlant d’un acte illégal est « incluse » dans celle de meurtre au premier degré. Une personne peut être reconnue coupable d’une infraction incluse même si elle n’est pas déclarée coupable du crime plus grave.
M. Barton a dit avoir retenu les services de Mme Gladue pour avoir des rapports sexuels avec elle deux nuits de suite. La première nuit, il a mentionné avoir introduit ses doigts dans son vagin et effectué un mouvement de va-et-vient pendant quelques minutes avant d’avoir des rapports sexuels avec elle. La deuxième nuit, il a déclaré avoir fait la même chose, mais en enfonçant les doigts plus profondément et plus vigoureusement. Cette fois-ci il y a eu du sang, a-t-il dit. Il est ensuite allé se laver à la salle de bain, avant de s’endormir. Le matin suivant il l’a trouvée morte.
M. Barton a nié avoir coupé Mme Gladue avec un objet tranchant et a soutenu qu’il s’agissait d’un accident. Il a indiqué qu’elle avait donné son consentement, de sorte qu’il n’y avait pas d’agression sexuelle — ce qui signifiait qu’il n’avait commis aucun acte illégal en raison duquel ce qui s’est passé constituait un meurtre au premier degré ou un homicide involontaire coupable découlant d’un acte illégal. Ou du moins, a-t-il soutenu, il croyait sincèrement qu’elle avait donné son consentement. Cette croyance est importante parce que, dans les cas d’agression sexuelle, l’accusé peut plaider à sa défense qu’il croyait sincèrement que l’autre personne avait consenti à l’acte sexuel. La défense doit se fonder sur des faits et sur le droit. Une personne ne peut invoquer une défense si elle a mal compris la loi.
Le jury a déclaré M. Barton non coupable. Mais la Couronne a fait valoir que le juge avait commis des erreurs et qu’un nouveau procès devrait avoir lieu. La Cour d’appel s’est ralliée à son avis.
Tous les juges de la Cour suprême ont conclu que le juge du procès avait commis des erreurs. Selon la loi, on ne peut invoquer à sa défense contre une accusation d’agression sexuelle des éléments qui renforcent les mythes au sujet des femmes ou du consentement sexuel. Donc, ces mythes ne peuvent servir à déterminer si une personne a consenti à un acte sexuel (ou si l’accusé croyait sincèrement que la personne y avait consenti). Le premier mythe est que les femmes ayant déjà eu des rapports sexuels sont plus susceptibles de consentir à ces rapports. Le deuxième est que ce genre de femme pourrait ne pas dire la vérité.
Ce sont des mythes parce qu’ils véhiculent des faussetés. La loi prévoit des règles visant à empêcher que ces mythes influencent les décisions du jury. Mais les règles n’ont pas été respectées dans cette affaire. M. Barton n’a pas demandé à la Cour la permission de raconter aux jurés le comportement sexuel de Mme Gladue au cours de la première nuit. Le juge du procès n’a pas indiqué quels éléments de preuve étaient admissibles ni mentionné au jury comment il pouvait utiliser ces éléments de preuve pour rendre sa décision. Le jury n’a donc pas eu les directives légales dont il avait besoin. Ces erreurs étaient suffisamment sérieuses pour que les juges concluent à la nécessité d’un nouveau procès.
La Cour a dit à la majorité que le nouveau procès ne devrait porter que sur l’accusation d’homicide involontaire coupable découlant d’un acte illégal et non sur celle de meurtre au premier degré, étant donné que les erreurs du juge du procès n’ont pas eu d’effet sur l’accusation de meurtre. Cette accusation reposait sur l’argument selon lequel M. Barton avait coupé Mme Gladue avec un objet tranchant. Clairement, le jury n’y a pas cru. La Cour a affirmé à la majorité que la décision du jury sur l’accusation de meurtre devait être maintenue. Les juges majoritaires ont ajouté que M. Barton devait croire que Mme Gladue avait communiqué son consentement et non seulement consenti à l’acte sexuel.
Cette affaire soulevait la question des mythes et des préjugés au sujet des femmes, des travailleurs du sexe et des Autochtones, comme Mme Gladue. Chacun a un droit égal à la dignité et au respect ainsi que le droit de faire des choix sexuels en ce qui concerne son propre corps. Il importe peu de savoir qui est la personne, quelle est sa réputation ou ce qu’elle a fait dans le passé. C’est la loi. Si quelqu’un d’autre ne respecte pas ces choix, c’est un crime.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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