La cause en bref
TELUS Communications Inc. c. Wellman
- La décision
- Date : le 4 avril 2019
- Référence neutre : 2019 CSC 19
- Décompte de la décision :
- Majorité : le juge Michael Moldaver a accueilli l’appel (avec l’accord des juges Gascon, Côté, Brown et Rowe)
- Dissidence : les juges Rosalie Silberman Abella et Andromache Karakatsanis auraient rejeté l’appel et accueilli le recours collectif tant pour les consommateurs que pour les clients commerciaux, parce que le fait de forcer chacun de ces derniers à recourir à l’arbitrage individuel aurait pour effet d’immuniser TELUS contre leurs réclamations (avec l’accord du juge en chef Wagner et de la juge Martin)
- En appel de la Cour d’appel de l’Ontario
- Renseignement sur le dossier (37722)
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- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
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Selon la Cour suprême, en Ontario, les entreprises ne peuvent pas se soustraire aux conventions d’arbitrage en se joignant aux recours collectifs de consommateurs.
Lorsque de nombreuses personnes ont le même problème juridique, elles peuvent décider d’unir leurs forces et de poursuivre en justice en tant que groupe. C’est ce qu’on appelle un « recours collectif ». (L’adjectif « collectif » renvoie au groupe, il s’agit donc d’un recours intenté en groupe.) Ce type de recours permet aux réclamations de l’ensemble des membres du groupe d’être traitées en cour en même temps, sans quoi, chaque personne devrait se présenter seule devant le tribunal. Avant qu’un recours collectif puisse aller de l’avant, un tribunal doit le « certifier » (c.-à-d. l’approuver).
M. Wellman a conclu un contrat de téléphonie cellulaire avec TELUS. Il soutient que, pendant un certain temps, TELUS a arrondi les appels à la minute suivante sans prévenir ses clients. Selon lui, les clients étaient surfacturés et ne recevaient pas le nombre total de minutes auxquelles ils avaient droit. Il a demandé au tribunal de certifier un recours collectif contre TELUS, en son nom et au nom d’environ deux millions d’autres clients ontariens. Environ 1,4 million de ces clients étaient des consommateurs (qui achetaient des services cellulaires pour leur usage personnel). Les autres étaient des clients commerciaux (qui achetaient des services à des fins commerciales). M. Wellman réclame plus de 500 millions de dollars en dommages-intérêts au nom du groupe.
Tous les clients de TELUS ont accepté les conditions types du contrat conclu avec elle. Selon une de ces conditions, les désaccords quant à la facturation devaient être tranchés en « arbitrage », un processus par lequel un tiers neutre (autre qu’un juge ou un tribunal) tranche un différend juridique. Les entreprises l’utilisent souvent parce qu’il peut être plus efficace et moins coûteux que le recours aux tribunaux.
En Ontario, les règles d’arbitrage sont énoncées dans la Loi sur l’arbitrage. Selon un des principes fondamentaux de cette Loi, les personnes qui acceptent de recourir à l’arbitrage doivent respecter leur entente, sous réserve de quelques exceptions, comme lorsque l’accord n’est pas valide.
Une exception s’applique aux consommateurs. En effet, la Loi sur la protection du consommateur de l’Ontario prévoit que les consommateurs peuvent se joindre à un recours collectif comme celui intenté par M. Wellman, même s’ils ont accepté l’arbitrage. Il y a donc consensus ici sur le fait que les consommateurs pouvaient demander une indemnisation devant les tribunaux. Par contre, les clients commerciaux ne sont pas visés par la Loi sur la protection du consommateur. Pour TELUS, cela signifie qu’ils doivent être tenus de respecter leur entente de recourir à l’arbitrage. Elle a donc demandé au tribunal de « surseoir » aux réclamations des clients commerciaux ou de les empêcher d’aller de l’avant en cour.
Dans la présente cause, il s’agissait avant tout de déterminer comment interpréter le paragraphe 7(5) de la Loi sur l’arbitrage. Selon M. Wellman, cette disposition signifie que les tribunaux peuvent autoriser le recours aux tribunaux pour une réclamation, même si elle est visée par une convention d’arbitrage. À son avis, cela peut se produire s’il n’est pas raisonnable de séparer les réclamations couvertes par l’entente (comme les réclamations des clients commerciaux) des réclamations qui ne le sont pas (comme les réclamations des consommateurs). Pour M. Wellman, cela signifie que les deux groupes devraient être autorisés à demander une indemnisation devant les tribunaux. TELUS a plutôt plaidé que ces derniers doivent suspendre les réclamations couvertes par des conventions d’arbitrage valides. Pour elle, le tribunal peut autoriser le recours au système judiciaire pour les réclamations qui ne sont pas couvertes par une entente. Mais celles qui sont couvertes (ici, les réclamations des clients commerciaux) doivent être suspendues.
La juge des motions et la Cour d’appel ont donné raison à M. Wellman et ont conclu que les clients commerciaux pouvaient se joindre au recours collectif.
Les juges majoritaires de la Cour suprême ne sont pas d’accord. Ils sont d’avis que le paragraphe 7(5) ne permet pas au tribunal de refuser de surseoir aux réclamations visées par une convention d’arbitrage valide. Sinon, le principe selon lequel les gens doivent respecter leurs accords serait affaibli. Des personnes pourraient ne pas respecter leur entente simplement en se greffant ou en se joignant aux réclamations de celles qui ne sont pas tenues de se soumettre à l’arbitrage. Les juges majoritaires ont noté que le seul différend ici concernait la facturation. Tous les clients ont convenu que cette question serait réglée par voie d’arbitrage. Normalement, cela signifierait que les réclamations de toutes les personnes visées par le recours collectif seraient suspendues et ne serait donc pas du tout entendues en cour. Or, en raison de l’exception prévue dans la Loi sur la protection du consommateur, les consommateurs sont à l’abri d’un sursis. Leurs revendications peuvent être entendues en cour. Les clients commerciaux ne sont pas visés par l’exception; ils doivent respecter leur entente. Leurs demandes sont suspendues et ils devront recourir à l’arbitrage.
Cette décision n’a pas tranché l’allégation de M. Wellman selon laquelle TELUS a surfacturé ses clients. Elle a seulement décidé que les clients commerciaux n’avaient pas le droit d’aller devant les tribunaux pour plaider cette cause.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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