La cause en bref
R. c. Stillman
- La décision
- Date : le 26 juillet 2019
- Référence neutre : 2019 CSC 40
- Décompte de la décision :
- Majorité : les juges Michael Moldaver et Russell Brown rejettent les pourvois dans Stillman (37701) et accueillent le pourvoi dans Beaudry (38308) (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Abella et Côté)
- Dissidence : les juges Andromache Karakatsanis et Malcolm Rowe affirment qu’il doit y avoir un lien entre les Forces armées et les circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise pour que les militaires soient privés de leur droit à un procès avec jury
- En appel de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada
- Renseignement sur le dossier (37701) (38308)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
- 37701 :
- Décisions de la cour martiale pour le caporal-chef Stillman, l’ancien maître de 2e classe Wilks, l’adjudant Gagnon, le caporal Pfahl, le caporal Thibault, le sous-lieutenant Soudri, le maître de 2e classe Blackman (cours martiales permanentes, les décisions ne sont pas toutes disponibles en ligne)
- Ordonnance autorisant l’accusé à soulever une question constitutionnelle (non disponible en ligne), décision relative à la contestation constitutionnelle (Cour d’appel de la cour martiale du Canada)
- 38308 :
- Décision relative à la contestation constitutionnelle, décision de la cour martiale et prononcé de la peine pour le caporal Beaudry (Cour martiale permanente)
- Décision relative à la contestation constitutionnelle (Cour d’appel de la cour martiale du Canada)
- 37701 :
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Les militaires accusés de crimes civils n’ont pas le droit d’être jugés par un jury s’ils sont jugés par le système de justice militaire, décide la Cour suprême.
Au Canada, le système de justice militaire a toujours été distinct du système de justice civile. Il en est ainsi parce que les Forces armées ont des besoins qui leur sont propres, comme la discipline, l’efficacité et le moral des troupes. La Loi sur la défense nationale énonce les règles régissant le système de justice militaire. Selon cette loi, lorsqu’un militaire commet un crime prévu par une loi fédérale (tel le Code criminel), il s’agit d’une « infraction d’ordre militaire ». Les infractions d’ordre militaire peuvent faire l’objet d’un procès au sein du système de justice militaire.
Plusieurs militaires ont été accusés de crimes graves, notamment d’agression sexuelle et de contrefaçon. Ils voulaient être jugés par un jury. Cependant, contrairement au système civil, le système de justice militaire n’a jamais prévu de procès devant jury. Les procès peuvent avoir lieu devant un juge et un comité militaire, mais un tel comité n’est pas la même chose qu’un jury : un jury est composé de 12 personnes provenant de toutes les sphères de la société canadienne, alors qu’un comité militaire compte uniquement cinq personnes, qui font toutes partie des Forces armées.
Les militaires accusés ont soutenu que la Loi sur la défense nationale contrevenait à leur droit constitutionnel d’être jugés par un jury. Ils ont affirmé que ce droit est garanti par l’al. 11f) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de la Constitution du Canada. L’alinéa 11f) précise que les personnes accusées de crimes ont le droit d’être jugées par un jury lorsqu’elles risquent un emprisonnement de cinq ans ou plus. Il y a toutefois une exception : ce droit ne s’applique pas aux crimes relevant de la justice militaire. Il s’agit de l’« exception militaire ». Les militaires accusés ont fait valoir que cette exception s’applique seulement aux crimes « purement » militaires, par exemple l’espionnage ou la mutinerie. Selon eux, elle ne s’applique pas aux crimes civils dont tout Canadien (militaire ou non) pourrait être accusé. Les procureurs militaires, quant à eux, ont soutenu que l’exception s’applique à toutes les infractions d’ordre militaire, y compris les crimes civils commis par des militaires.
Toutes les contestations, sauf une, ont échoué, et des appels ont suivi. Lors du premier appel (Stillman), la Cour d’appel de la cour martiale du Canada (un tribunal militaire) a statué qu’ils n’avaient pas le droit d’être jugés par un jury. Cependant, lors du deuxième appel (Beaudry), la même cour est arrivée au résultat opposé. On était donc en présence de décisions contradictoires.
Les juges majoritaires de la Cour suprême ont conclu que les militaires peuvent être jugés sans jury pour des crimes civils. La Constitution donne au Parlement le pouvoir d’adopter des lois en ce qui a trait aux Forces armées, ce qui comprend le pouvoir d’adopter une loi prévoyant que les crimes civils commis par des militaires sont des infractions d’ordre militaire; ce qui en fait des infractions relevant de la justice militaire. Les juges majoritaires ont constaté que lorsqu’un militaire commet un crime civil (même dans un contexte non militaire), cela a un effet sur la discipline, l’efficacité et le moral des troupes. Pour toutes ces raisons, les juges majoritaires ont conclu que lorsqu’un militaire est accusé d’un crime civil, l’exception militaire prévue à l'al. 11f) de la Charte s’applique. Cela signifie que le droit d’être jugé par un jury n’existe pas dans de tels cas.
Les jurys font partie du système de common law depuis plus de 900 ans. Ils visent à protéger les individus des puissants pouvoirs de l’État (ou, autrefois, du roi ou de la reine). Ils visent aussi à ce que le public soit informé du droit et du fonctionnement du système de justice, et à ce que les normes de la société soient appliquées aux verdicts des procès. Les jurys jouent un rôle important au sein du système de justice, mais la Charte indique clairement que le droit à un procès avec jury comporte une exception.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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