La cause en bref
R. c. Bird
- La décision
- Date : le 8 février 2019
- Référence neutre : 2019 CSC 7
- Décompte de la décision :
- Majorité : le juge Michael Moldaver a rejeté l’appel (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Abella, Côté, Brown et Rowe)
- Concordance : la juge Sheilah Martin a affirmé qu’on aurait dû permettre à M. Bird de contester l’assignation à résidence dans le cadre du procès au criminel qu’il a subi pour y avoir contrevenu, mais elle aurait rejeté le pourvoi puisque l’assignation à résidence n’était pas inconstitutionnelle comme le soutenait M. Bird (avec l’accord des juges Karakatsanis et Gascon).
- En appel de la Cour d’appel de la Saskatchewan
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Un délinquant aurait dû contester l’ordonnance de surveillance de longue durée dont il faisait l’objet directement, et non indirectement, après avoir été accusé d’y avoir contrevenu, a statué la Cour suprême.
Monsieur Bird a été déclaré « délinquant à contrôler », ayant été reconnu coupable au criminel à plus de 60 reprises. Les délinquants à contrôler sont plus susceptibles de commettre d’autres crimes. C’est pourquoi ils sont « surveillés » au terme de leur peine d’emprisonnement, pour veiller à ce qu’ils évitent les ennuis. Ils doivent faire rapport régulièrement à leur agent de libération conditionnelle. Ils peuvent être tenus de vivre à un endroit en particulier ou de rentrer à la maison avant une heure donnée ou être assujettis à d’autres conditions.
La surveillance de longue durée a pour objectif de protéger le public. Elle vise aussi à favoriser la réinsertion sociale des délinquants à contrôler. La durée de l’ordonnance de surveillance de longue durée est déterminée par un juge, tandis que la Commission des libérations conditionnelles en fixe les conditions. La Commission des libérations conditionnelles est un organisme « administratif » (c.-à-d. créé par le Parlement pour accomplir des choses pour le compte de l’État, en l’occurrence, s’occuper des questions de libération conditionnelle et des enjeux connexes). Compte tenu de cette distinction, l’ordonnance de surveillance de longue durée est une ordonnance « administrative » et non judiciaire. Y contrevenir est néanmoins un crime, qui est passible de dix ans d’emprisonnement.
En 2013, après avoir été déclaré coupable relativement à une accusation relative à une arme à feu, M. Bird a été condamné à un an de prison. Il souhaitait, après avoir purgé sa peine d’emprisonnement, retourner au sein de sa Première Nation du centre Nord de la Saskatchewan et y vivre avec son frère. Cependant, la Commission des libérations conditionnelles a conclu qu’il présentait un risque trop important pour la collectivité. Elle lui a ordonné de vivre dans un « centre correctionnel communautaire » (une maison de transition) à Regina pendant environ six mois au terme de sa peine d’emprisonnement. Il s’agissait d’une « assignation à résidence » dont était assortie son ordonnance de surveillance de longue durée.
Avant la fin de sa peine d’emprisonnement, M. Bird a reçu une lettre de la Commission des libérations conditionnelles lui indiquant qu’il pouvait demander à cette dernière d’envisager la possibilité de modifier ou d’annuler toute condition de l’ordonnance de surveillance de longue durée dont il faisait l’objet. Monsieur Bird ne s’est jamais prévalu de ce droit. Moins d’un mois après le début de sa période de surveillance de longue durée, M. Bird a quitté la maison de transition et n’y est pas retourné. Il a été arrêté plus de deux mois plus tard et a été accusé d’avoir contrevenu à l’ordonnance.
Monsieur Bird s’est défendu contre l’accusation. Il a fait valoir que l’assignation à résidence était inconstitutionnelle. Selon lui, la Commission des libérations conditionnelles n’était pas autorisée à imposer cette condition, et celle-ci violait son droit à la liberté garanti par la Charte canadienne des droits et libertés. Il a affirmé qu’être tenu de vivre dans une maison de transition équivalait à être tenu de vivre en prison. Monsieur Bird a soutenu que les ordonnances de surveillance de longue durée ne pouvaient servir à remettre les gens en prison une fois leur peine purgée.
Le juge de première instance a accepté l’argument de M. Bird. Il a jugé l’assignation à résidence inconstitutionnelle, de sorte que M. Bird ne pouvait être déclaré coupable d’y avoir contrevenu. La Cour d’appel n’était pas du même avis. Elle a statué que M. Bird n’était pas autorisé à entreprendre une « contestation incidente » de l’assignation à résidence. Une contestation incidente est la contestation indirecte d’une ordonnance ou d’une décision, dans le cadre d’une instance nouvelle ou distincte. Dans cette affaire, une contestation directe aurait été pour M. Bird de suivre les indications de la lettre et de demander à la Commission des libérations conditionnelles d’envisager la possibilité de modifier ou d’annuler l’assignation à résidence. La Cour d’appel a déclaré M. Bird coupable d’avoir contrevenu à l’ordonnance.
Les juges majoritaires de la Cour suprême ont convenu que la contestation incidente n’était pas permise. Les ordonnances de surveillance de longue durée étant des ordonnances « administratives », ils ont dû examiner l’intention du législateur. La principale question en litige était de savoir si le législateur avait eu l’intention de permettre aux délinquants à contrôler de contester incidemment ces ordonnances. Dans leur détermination de l’intention du législateur, les juges majoritaires ont tenu compte d’une série de facteurs. Ils ont examiné le libellé et l’objet de différentes lois. Ils se sont demandé si d’autres moyens s’offraient à M. Bird pour contester son ordonnance. Ils ont apprécié l’expertise de la Commission des libérations conditionnelles en matière d’ordonnances de surveillance de longue durée. Et ils se sont intéressés à la sanction imposable en cas de contravention de l’ordonnance. Au bout du compte, les juges majoritaires ont estimé que l’intention du législateur n’était pas de permettre aux délinquants à contrôler comme M. Bird de contester de façon incidente dans le cadre d’instances en matière criminelle les ordonnances de surveillance de longue durée dont ils font l’objet. Ils ont fait remarquer que M. Bird disposait de plusieurs autres recours pour contester la condition imposée contre lui. Selon eux, l’intention du législateur était de permettre à M. Bird de se prévaloir de ces recours et non d’entreprendre une contestation incidente de la condition après y avoir contrevenu. Les juges majoritaires ont renvoyé l’affaire à la Cour provinciale pour détermination de la peine.
Les tribunaux n’ont pas à trancher toutes les questions que leur soumettent les parties. Dans la présente affaire, les juges majoritaires n’ont pas eu à juger de la constitutionnalité de l’assignation à résidence, parce que le législateur n’avait pas eu l’intention de permettre les contestations incidentes.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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