La cause en bref

S.A. c. Metro Vancouver Housing Corporation

La Cour suprême a statué qu’une fiducie établie au profit d’une personne handicapée ne devait pas exclure celle‑ci du bénéfice du programme d’aide au loyer offert par son locateur.

Madame A., une personne handicapée, recevait des prestations d’aide sociale (du gouvernement). Après le décès de son père, de l’argent a été placé « en fiducie » pour elle en 2012. Lorsqu’une chose est « en fiducie », une personne (« un fiduciaire ») s’en occupe pour le bénéfice d’une autre. Il existe de nombreux types de fiducies qui visent à répondre à une multitude de besoins différents. La fiducie en cause — appelée « fiducie de type Henson » — vise à permettre à une personne de mettre de l’argent ou des biens de côté pour une personne handicapée. Les fiducies de type Henson tentent d’y parvenir d’une manière qui permette à la personne handicapée de continuer de recevoir des prestations du gouvernement. De telles fiducies ne sont généralement pas comptées comme des « actifs » en ce qui concerne les programmes exigeant une preuve du revenu ou des actifs. Il en est ainsi parce que le fiduciaire a le plein pouvoir de décider s’il convient d’effectuer des paiements à la personne handicapée et d’en déterminer le montant. Cette personne ne peut forcer le fiduciaire à faire quelque paiement que ce soit. Dans la présente affaire, Mme A. et sa sœur étaient cofiduciaires et devaient s’entendre sur toutes les décisions.

Madame A. vivait dans un complexe de logements abordables exploité par la Metro Vancouver Housing Corporation. Pour remplir les conditions requises pour obtenir un logement abordable, les locataires devaient démontrer chaque année qu’ils disposaient de faibles revenus. La Metro Vancouver Housing avait aussi un programme d’aide au loyer visant à réduire encore davantage les paiements de loyer mensuel des locataires dont la valeur des actifs était inférieure à 25 000 $. Cependant, en raison des ressources limitées du programme, ce n’est pas toute personne admissible qui pouvait obtenir une aide. Les locataires présentaient leur demande en remplissant un formulaire. Madame A. a présenté une demande et a obtenu une aide quand elle a emménagé en 1992; elle a reçu celle‑ci chaque année par la suite.

Madame A. a présenté une autre demande en 2015, comme elle le faisait chaque année. Cette fois, cependant, la Metro Vancouver Housing lui a dit que la fiducie comptait comme un actif et serait utilisée pour décider si elle pouvait toujours être considérée en ce qui concerne le programme. Madame A. a affirmé que la fiducie ne constituait pas un actif susceptible d’avoir une incidence sur son admissibilité et a refusé de révéler sa valeur à la Metro Vancouver Housing. Cette dernière a déclaré qu’elle ne pouvait pas traiter la demande de Mme A. parce qu’elle ne lui avait pas fourni le renseignement demandé. Madame A. a donc cessé de recevoir une aide au loyer.

La Cour suprême de la C.-B. et la Cour d’appel de la C.‑B. ont toutes deux affirmé que la fiducie était un actif susceptible d’empêcher Mme A. de voir sa demande considérée en vue de l’octroi d’une aide au loyer.

Les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada ont exprimé leur désaccord avec ce point de vue. Ils ont déclaré que la Metro Vancouver Housing avait l’obligation contractuelle de considérer la demande d’aide au loyer de Mme A. La demande et ses ententes connexes (y compris le bail) formaient ensemble le contrat entre Mme A. et la Metro Vancouver Housing. La question principale portait sur la signification du terme « actif » dans la demande. Les juges majoritaires se sont penchés sur le sens que lui avaient donné Mme A. et la Metro Vancouver Housing. Le mot « actif » n’était défini dans aucun des documents faisant partie du contrat. Il l’était toutefois dans une politique de la Metro Vancouver Housing, mais la demande ne faisait pas mention de cette politique. Les juges majoritaires ont souligné que, selon son sens courant, le terme « actif » désigne un type de bien de valeur qu’une personne peut utiliser pour payer des choses. Ils ont affirmé qu’il devait avoir ce sens dans la demande d’aide au loyer. Les juges majoritaires ont expliqué que la fiducie de type Henson de Mme A. ne répondait pas à cette définition d’un « actif ». Il en était ainsi parce qu’elle n’avait aucun contrôle sur la décision de savoir si elle obtiendrait quelque fonds que ce soit de la fiducie, et qu’elle ne pouvait pas compter sur celle‑ci pour payer son loyer. (Les juges majoritaires ont affirmé que le fait que Mme A. était cofiduciaire n’était pas pertinent, parce qu’elle n’avait pas le droit, à elle seule, de se faire quelque paiement que ce soit. Toutes les décisions devaient être prises de façon unanime avec l’autre fiduciaire.)

Comme elle ne constituait pas un « actif » au sens de la demande, les juges majoritaires ont déclaré que la fiducie ne pouvait pas exclure Mme A. du bénéfice du programme d’aide au loyer. La Metro Vancouver Housing n’était pas obligée d’accorder une aide au loyer à Mme A., mais elle était tenue de considérer sa demande. Elle a manqué à cette obligation parce qu’elle a omis de le faire lorsque Mme A. a présenté sa demande en 2015. Les juges majoritaires ont renvoyé l’affaire au juge de première instance pour que celui‑ci décide du montant de l’indemnisation que Mme A. devait recevoir. Ils ont affirmé que le montant accordé devait placer Mme A. dans une situation se rapprochant le plus possible de celle où elle se serait trouvée si la Metro Vancouver Housing n’avait pas manqué à son obligation.

Dans cette décision, la Cour suprême s’est penchée pour la première fois sur les fiducies de type Henson. Les juges majoritaires ont affirmé non pas qu’une telle fiducie ne pourrait jamais être considérée comme un actif, mais seulement que cela dépendrait des critères du programme particulier en cause.

Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.